Comme les numéros précédents, le dernier magazine municipal, le Mag (numéro 31 – automne 2023), consacre une page à une personnalité ballanaise remarquable. Cette fois, c’est Claude Pichaureau, chef d’orchestre et compositeur de renommée internationale qui est mis à l’honneur. Les éléments rassemblés ci-dessous et les documents qu’il nous a confiés complètent et précisent ce portrait forcément succint.
Il est impossible de faire tenir une vie aussi remplie et une œuvre aussi vaste dans le cadre de quelques lignes, même en se cantonnant à la musique qui lui a permis d’accéder à une célébrité et une reconnaissance mondiales. Dans ce domaine Claude Pichaureau a partout atteint le plus haut niveau ! Multi- instrumentiste recherché, chef d’orchestre de formations prestigieuses, compositeur d’œuvres marquantes…
Et ce n’est pas le seul champ d’action où cet octogénaire encore alerte s’est investi. Lorsque Claude lance la machine à remonter le temps, sa passion pour la plongée sous-marine arrive très vite dans la conversation. On peine à imaginer, par exemple, qu’il a aussi trouvé le temps de participer à des camps avec les Éclaireurs de France et les Hommes-grenouilles de Paris, basés sur la Seine, quai de la Râpée (11e).
Claude Pichaureau ayant vu le jour en mai 1940, ses premiers souvenirs – ou ceux que lui a rapportés la tradition familiale – sont évidemment liés à la Seconde Guerre Mondiale.
« Je suis né dans la cave de la boulangerie de mes grands-parents maternels Eugène et Émilia Leclerc, située rue du Maréchal Foch [qui était alors la rue des Hautes Attelles]», raconte-t-il.
Il évoque aussi volontiers son premier acte de Résistance : il n’a que quelques mois quand sa mère Jeanne décide de rejoindre son époux Gérard qui a suivi sa formation musicale en zone libre… Au moment de passer la ligne de démarcation, Jeanne, encombrée de son bébé n’arrive pas à retrouver l’ausweiss indispensable et dépose donc son précieux paquet dans les bras de la sentinelle. Claude pousse alors de tels hurlements que le soldat s’empresse de lui redonner sa progéniture et, d’un Raus ! impératif, accorde le passage libérateur.
Autre anecdote évoquée avec émotion qui, elle, fait partie de ses propres souvenirs : installé près de Clermont avec sa mère, Claude a découvert qu’en grimpant sur quelques pierres, il est assez grand pour voir de l’autre côté du mur qui clôt le jardin. C’est un ancien garage, occupé maintenant par les Allemands et gardé par un vieux militaire qui ne tarde pas à repérer le manège de ce gamin curieux. Au fil du temps, ils s’apprivoisent jusqu’au jour où Claude revient fièrement à la maison avec le petit tube de bonbons que lui a donné son nouveau copain. Il est donc fort déçu lorsque Jeanne lui ordonne de jeter ça : puisque c’est l’Allemand qui l’a donné, c’est forcément empoisonné ! Peu de temps après, nouvelle déconvenue : quand il rejoint son poste d’observation, Claude ne retrouve plus son copain. Entre-temps, la Résistance locale a repris possession du garage, mais c’est une libération qui rend l’enfant bien triste.
Pour comprendre l’histoire de la lignée Pichaureau, remontons, du côté paternel, à Ferdinand, un employé des chemins de fer travaillant sur les voies et installé aux Petites Hérissères vers 1932 dont Claude garde une image évocatrice. Chaque jour vers la même heure, Ferdinand marquait une pause dans son jardinage et, appuyé sur son outil, le regard tourné vers le fond du terrain bordé par la voie ferrée menant à Chinon, il attendait. Quand surgissait la locomotive, Ferdinand sortait sa montre-gousset et lâchait son verdict, du genre : « Deux minutes de retard, aujourd’hui ! ».
C’est ce modeste cheminot, accordéoniste à ses heures de loisir, qui a donné naissance à une impressionnante lignée de musiciens.
Néanmoins cette réussite locale ne persuade pas Ferdinand que ses trois garçons vont vivre de leur virtuosité musicale : il veut que chacun suive aussi un solide apprentissage. Gérard choisit la menuiserie chez Lucien Papin, Roland devient serrurier chez Gaston Bougrain et Robert, en peinture décoration, deviendra un spécialiste du faux-bois. En fait, seul Roland trouvera sa voie en créant une entreprise de charpente, les deux autres Pichaureau feront de la musique leur horizon professionnel. L’aîné, Gérard, d’abord comme trombone solo à la Garde Républicaine, puis à l’Orchestre de Paris pour finir professeur au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris. Robert, trompette-cornet titulaire à la Musique de l’Air, musicien de variétés (trompette, batterie, violon) puis professeur réputé pour les techniques respiratoires et tessitures hors normes. Claude, dans ses années étudiantes, partagera beaucoup avec cet oncle, ce qui lui permet d’accéder à des prestations musicales bien plus rémunératrices qu’une bourse d’études !
Dès sa majorité, en mai 1961, Claude décide de rompre légalement son sursis militaire et d’orienter sa vie vers une carrière musicale. Il refuse les EOR et accepte quatre mois de classe avec un engagement de 3 ans dans l’Infanterie de Marine comme tromboniste à la musique principale des troupes de Marine (avec l’agrément de son chef, le capitaine Bousquet), basée à Rueil-Malmaison. Cette décision sera le prélude à sa longue et brillante carrière musicale, à la fois comme chef d’orchestre et compositeur.
Un cœur tout neuf et retour à Ballan
À partir de la fin des années 1960, le catalogue de ses activités, de ses productions et de ses voyages prend une densité impossible à suivre. À tel point que le cœur de Claude peine aussi à suivre, jusqu’à ce que, vers 1990, une greffe cardiaque soit la seule issue. L’opéré vient se remettre de cette chirurgie très invasive au centre cardio-vasculaire de Bois-Gibert à Ballan-Miré. L’excellence des soins reçus et l’ajout d’un pace maker quelques années plus tard lui permettent de continuer encore de longues années à être toujours aussi productif.
Les cloches de Ballan-Miré ont sonné le 1er juillet 1968 pour le mariage de Claude Pichaureau et Edwige Perfetti, artiste lyrique. Ils se sont connus au CNSMD de Paris, lors de leurs études. Auparavant, Edwige avait déjà réalisé un parcours assez remarquable entre la maîtrise de Radio-France, les Djinns et différentes prestations solistes (Soprano lyrique) pour évoluer ensuite dans la troupe des chœurs et solistes de l’Opéra de Paris (direction R. Liberman), avec parallèlement de nombreux enregistrements en France et à l’étranger… Et c’est ainsi que leur fils Tony est né le 6 février 1970 !
Quand enfin Claude et Edwige se posent dans la maison familiale en plein cœur du bourg de Ballan, ils retrouvent, comme un de leurs voisins les plus proches, Roland Loyer et sa femme Éliette avec lesquels ils partagent des périodes professionnelles, notamment au cours de plusieurs saisons à Vichy, Orange, etc. Roland a été formé par Gérard, le père de Claude, avec des liens d’autant plus forts que Jeanne, la mère de Claude, et Éliette, l’épouse de Roland, étaient deux amies très proches, l’une fille du boulanger Eugène Leclerc, l’autre fille du charcutier Henri Guignard. L’heure de la retraite venue, après son professorat à Grenoble, Roland termine sa vie active en devenant chef de l’harmonie de Ballan-Miré.
Disparu depuis déjà 5 ans, il n’a pu assister, en janvier dernier, à la cérémonie des vœux du maire, au cours de laquelle cette même formation, dirigée maintenant par Pierre Soufflet, directeur de l’École de musique, a exécuté la MireBall fantasy, dernière composition (à ce jour) de Claude Pichaureau …
Le petit CD de cette œuvre que Claude nous a remis en remerciement est dédié à tous les Ballanais et porte sur la pochette la mention : simulation audio- électronique de Tony Pichaureau… Tony, le fils de Claude qui avec les outils du XXIe siècle prolonge la lignée de musiciens ouverte par Ferdinand…
En Juillet 2024, Claude Pichaureau a remis à l’Association des Amis du Livre et du Patrimoine de Ballan-Miré le magnifique ouvrage illustré JOUER POUR PARIS de Gabriel PÉRONNET (Éditions OUEST-FRANCE, Juin 2004) qui retrace l’histoire de la Musique des Gardiens de la Paix de Paris. Claude Pichaureau a dirigé cet ensemble prestigieux de 1981 à 1991.
L’ouvrage a été remis à la Médiathèque de la Parenthèse où il peut être consulté.