Jeanne Sandré

À la recherche des Ballanais dont la célébrité est parvenue jusqu’à nous, nous ajoutons à cette galerie de portraits celui d’une femme, Jeanne Sandré, qui, au milieu du siècle dernier, est devenue la première conseillère municipale ballanaise.

De la Suisse à la Touraine

Retracer la vie de Jeanne Sandré n’est pas chose facile. Les voix des témoins directs se sont tues et seuls restent les rares jalons des archives officielles.

Jeanne-Marie Blanchaud voit le jour en Suisse à Neufchâtel en 1887. En 1922, naît sa fille, Lucienne, à Évian-les-Bains. On retrouve ensuite sa trace à Tours où Jeanne, en 1935, épouse Alfred Sylvain Sandré. Ce plâtrier, compagnon du Tour de France, était auparavant marié dans le Loir-et-Cher et avait eu un fils, Marcel, qui le suivra en Touraine. Alfred s’installe aussitôt avec Jeanne à Ballan-Miré ans dans une coquette maisonnette, toujours visible rue du Maréchal Foch actuelle. Alfred va devenir un artisan renommé et Jeanne de son côté, acquiert rapidement toute la confiance des familles en sa qualité de sage-femme. Elle n’hésitait pas à revenir souvent voir les mamans pour leur donner des conseils et s’assurer de la bonne santé du bébé. Sa tâche n’était pourtant pas aisée à l’époque ! Comme elle ne pratiquait pas la bicyclette et encore moins l’automobile, c’est son mari qui la conduisait en campagne, le retour se faisant en carriole. Pour dispenser ses soins à la suite des accouchements, elle allait souvent à pied par monts et par vaux, en se faisant parfois accompagner par sa belle-fille à la nuit tombée.

L’engagement municipal

Sa compétence et sa disponibilité lui valurent le respect et la considération des Ballanais. On peut encore en prendre la mesure en se replongeant dans les résultats des élections locales de l’après-guerre, car c’est là que la trace de Jeanne Sandré reste toujours visible.

N’oublions pas qu’il a fallu attendre la fin de la guerre, en 1945, pour que le droit de vote soit accordé aux citoyennes. Le corps électoral ballanais en est pratiquement doublé, passant de 400 à 800 inscrits.

En avril et en mai 1945, comme toutes les Françaises, Jeanne Sandré vote donc pour la première fois, mais son engagement va bien au-delà puisqu’elle est aussi candidate. Elle est élue dès le premier tour de scrutin, alors qu’il faudra un second tour pour avoir un conseil complet. Cette première élection, dans une ambiance encore marquée par le récent conflit, voit la victoire de la liste de gauche à Ballan-Miré alors que Jeanne s’est rangée sous la bannière de Pierre Caron, dont l’appellation Républicain recouvre l’orientation à droite.

Cette assemblée siégera peu de temps : dès octobre 1947, les Ballanais se rendent à nouveau aux urnes. Entre temps, la situation politique nationale a bien changé. La IV ème République est née, le général de Gaulle s’est retiré du gouvernement et a fondé le RPF – Rassemblement du Peuple Français – qui va remporter les 12 sièges du conseil municipal. Jeanne Sandré est en bonne place de ce raz-de-marée, deuxième personnalité la mieux élue derrière le minotier Émile Ribot. Six ans plus tard, Jeanne, alors âgée de 66 ans, participe une troisième et dernière fois à la joute municipale. Celle dont la carrière professionnelle est maintenant terminée a encore accru son capital de sympathie. Elle termine en tête, devançant de 12 voix le maire sortant, Pierre Caron. Celui-ci entame alors son second mandat, tandis que Jeanne Sandré, comme les années précédentes, doit se contenter d’un poste à la commission des finances et à cantine scolaire.

Jeanne Sandré avait montré la voie, mais il restait encore du chemin à parcourir pour que l’égalité homme / femme soit effective.

Le bulletin de vote des Ballanais ( vu par Jean Barbaud, illustrateur de l’ouvrage Deux siècles de vie municipale à Ballan-Miré, Les Amis de la Bibliothèque municipale de Ballan-Miré, 2013)